Contribution au catalogue
Otto Dix et le Retable d'Issenheim
Editions Hazan, 2016
EAN : 9782754109581
Grünewald et Otto Dix, une filiation technique.
La comparaison des œuvres et techniques de Grünewald et Otto Dix est symbolique. Si les tableaux séparés par cinq siècles peuvent être estimés dans leur dimension physique, le contexte spirituel et technique lui a changé. Leur rapport à la technique se révèle proche, malgré les enjeux de natures distinctes. Grünewald, à la fin du 15e siècle, a suivi un apprentissage artisanal. Dix incarne l’artiste au seuil du 20e siècle, provocateur et acharné à faire coïncider sa vie et son œuvre. Ses techniques reflètent son expression. Si la découverte de la Mischtechnik (technique mixte) de Max Doerner est régulièrement évoquée, c’est qu’elle a été plus qu’un pont jeté vers les maîtres anciens, elle a permis de catalyser et révéler la nature profonde de Dix.
Faire, peindre, créer.
Peindre un tableau jusqu'à la fin du 18e siècle est un métier d’art. La réalisation est soumise aux règles des corporations : préparer les supports, les huiles et pigments, broyer la couleur sont autant d’étapes avant la création en soi. Entre un bleu azurite dont le grain crisse sous les doigts et une laque de garance impalpable, entre une terre d’ombre qui nécessite son propre poids en huile et un blanc de plomb qui ne demande que peu de liant, la mise en œuvre, les temps de séchage et la compatibilité des pigments ne font qu’additionner les difficultés. L’opacité et la transparence spécifique de chaque couleur ajoute à la complexité du métier qui nécessite un apprentissage exigeant. La peinture à l’huile apporte richesse, matière, densité et profondeur. Elle rend la transparence du ciel et l’opacité de la terre, mais ne permet pas le dessin. Les techniques à l’eau donnent un rendu graphique, précis et de la nervosité mais les couleurs perdent en profondeur et matière. Cette opposition est partiellement résolue par les techniques mixtes - à tempéra ou émulsion - mêlant huile et eau comme dans une mayonnaise. La pratique quotidienne permettait de contourner les faiblesses des matériaux, mais aussi d’inventer des gestes, des superpositions, des matières et couleurs qui ne s’imaginent ni ne se pensent autrement que par ce travail de l’art. Une grande part de la fascination qu’exercent ces œuvres sont à mettre au compte d’une sophistication nécessaire qu’il ne faut pas ici confondre avec un maniérisme technique. L’histoire de la peinture est donc, aussi, celle de la résolution de questions techniques afin d’obtenir une surface peinte unifiée, l’image devant être aisément perceptible.
Au 19e siècle la révolution industrielle touche la peinture : invention du tube, broyage mécanique, préparation industrielle des supports. Les couleurs livrées en quantité, l’invention de nouveaux pigments stables conduisent à une standardisation des matériaux et des pratiques. L'exécution du tableau est réduite, il suffit d’acheter toile et couleur. Durant cette période la technique se concentre sur la peinture à l’huile et la toile, la modernité vise la rapidité, la simplification, la couleur comme matière. À partir de l'impressionnisme cette pensée s’incarne dans la pleine pâte. Monet et ses camarades déplacent le mélange des couleurs de la palette vers la toile. La peinture se fait opaque et matièrée, elle se veut directe, simple et contrastée. Les autoportraits peints entre 1912 et 1915 en témoignent, le jeune Dix cherche son langage formel dans un spectre large qui va de Friedrich (1a), à Slevogt (1b), de Franz von Stuck et van Gogh au futurisme (1c). Les tentatives sont multiples, toujours marquées par une matière forte, sauvage et chargée d’urgence. L’oeuvre qui va se former de la Grande Guerre jusqu’au début des années 20 portera haut cette hétérogénéité.
Le « Doerner »
En 1921 paraît Malmaterial und seine Verwendung im Bilde (2) de Max Doerner (3). Professeur à l’Académie des Beaux-Arts de Munich il est issu d’une tradition de chercheurs en art et des techniques de restauration. Près de cent ans plus tard l’ouvrage en est à sa 25e édition. Corrigé et enrichi par les progrès de la science, il est devenu l’ouvrage de référence pour les artistes et étudiants en peinture. Dès sa parution il propose un plan qui fera florès, qui suit les étapes d’élaboration du tableau : les supports, les colles et enduits, les pigments, les liants et adjuvants. Suivent les techniques avec un chapitre analysant celles des maîtres anciens. Il conclut par des conseils sur la préservation des peintures. Au fil des pages une dizaine de recettes sont exposées ; elles sont de fait plus des rapports de proportions que des recettes. Aucune illustration n’accompagne le texte qui est fluide et direct alliant conseils techniques à des propos moraux. L'auteur relativise régulièrement son point de vue avec bon sens, en insistant sur la nécessité d’intégrer les acquis du passé, d’être le maillon d’une chaîne historique, d’avoir un métier qui s’appuie sur une pratique régulière et en regard avec la recherche scientifique. La fréquentation des musées complète l’apprentissage. Une boutade précise que “l’on n’apprend pas plus la peinture en lisant que l'on apprend à nager sur un canapé” (4).
Doerner ne renie pas le passé récent, sa modernité est une activité critique ouverte éprouvant les matériaux par la science au service de la création. L’art prime sur l’artisanat, la technique doit être directe, au service de l’artiste et inciter à l’invention d’un langage personnel. Il regrette l’envahissement de l’huile qui domine les pratiques picturales (5) et prône les techniques à tempéra qui offrent d’autres perspectives. Une telle pensée mêlant rigueur technique et liberté d’invention ne pouvait avoir qu’un écho fort chez Dix. En 1925 à Dresde, il fit la connaissance de Kurt Wehlte (6) nommé professeur de technique, lui même élève de Doerner. Leur relation dura et Wehlte conseilla régulièrement Dix dans ses recherches. Il fut un technicien d’importance pour nombres d’artistes. Il publia un ouvrage technique qui modernise le Doerner et qui cite également Dix.
La technique mixte
La technique dite Mischtechnik n’était pas réellement oubliée dans les ateliers lorsque Max Doerner la publie, mais elle appartenait à une pratique passée. L’auteur précise qu’il en propose une reconstitution imaginée à partir des frères Van Eyck, continuée par les peintres allemands du 15e et complétée par la peinture vénitienne (7). Cette démarche est souvent oubliée et bien des lecteurs l’ont perçu comme la technique originale des maîtres anciens allemands. La synthèse de Doerner allant des Flandres à l’Italie échappe à une dimension strictement nationale et met à mal l’idée d’une technique dite allemande (8)...
La démarche en est la suivante :
Préparation sur panneau d’un fond au plâtre et colle de peau, report du dessin, accentuation du contour à l’encre noire. Suit l’imprimatur fait d’une couleur à l’huile fortement diluée avec un vernis (térébenthine et résine Dammar), elle est essuyée avec un chiffon de façon à être totalement absorbée. Le résultat doit être mat et le dessin apparaître clairement. Avec un blanc broyé à tempéra, modeler les formes en commençant par le point le plus clair en allant vers les tons moyens. Lorsque la lumière générale est posée, passer les glacis colorés avec une couleur broyée à l’huile et résine et diluée avec un vernis auquel est ajouté un peu d’huile épaissie. Puis reprise des points clairs avec un blanc à tempéra, reprise des détails avec d’autres couleurs à tempéra. Reprises avec glacis comme précédemment et répéter jusqu’à complétude.
La seule lecture témoigne de la nécessité de l’apprentissage par la démonstration...
Cette exigence oblige à la pratique d’atelier : table-palette, préparation des supports, broyage frais de la tempéra et surtout une composition élaborée en amont.
Dans le contexte des années 1920 elle devait avoir un caractère rétrograde, anti-moderne, en opposition avec la peinture à l’huile et sa facilité. L’improvisation en cours de travail est relative, la liberté d'exécution des avants-gardes est battue en brèche. C’est là une des sources de la défiance des modernes envers Dix. Comme Giorgio De Chirico (9) au même moment, il interroge une modernité récente. D’abord peintre et témoin de son temps, méfiant envers les engagements politiques, assez provocateur pour embrasser des attitudes opposées à celles du monde de l’art, il se réjouit de nager à contre-courant. La distance historique montre aujourd’hui son souci de construire une œuvre contre tout dogmatisme.
S’inventer
Dix à une relation directe et sophistiquée avec la technique et illustre à merveille ce qu’expérimenter veut dire. En 1918, au sortir de la guerre il construit une œuvre aux accents cubistes faite d’une matière hétérogène et râpeuse qui fragmente l’espace. La pleine pâte et le collage permettent le recouvrement et d’enfouir les émotions dans la matière. Tranchée est l’acmé du déversement de matière pour exorciser son expérience. La réception du tableau donne idée de la compréhension qu’en ont les contemporains. Entre admiration et rejet, les avis s’affrontent et le scandale passé, Dix est insatisfait de la seule provocation qui entretient l’incompréhension mais ne rend pas compte de son talent. Ce marasme psychologique nécessitait une distanciation et la pratique de l’art devait être le lieu de cette reconstruction. L’ampleur du projet du cycle de gravures Der Krieg (10) et la dimension systématique de la taille douce sont comparables à l’exigence de la Mischtechnik : des dessins à la gravure, des morsures à l’acide aux impressions intermédiaires, il faut avancer en retenant l’élan, progresser en mettant à distance une sensibilité envahissante et s’il est question de chasser les cauchemars autant les exposer à la lumière crue de la conscience.
Par nature la Mischtechnik oblige à anticiper le tableau : dessiner, reporter, peindre léger et vif, reprendre en demi-pâte et préciser les détails, tout est transparent et les opacités du blanc et des terres ne viennent qu’à la fin. La superposition des couches n’est pas un recouvrement et la transparence oblige à être juste dès l’amorce du travail. On voit le travail de la veille et il faut anticiper celui du lendemain. La technique porte le propos de la peinture, la matière picturale est soumise au vouloir de l’artiste. “C’est une technique pour les stylistes et les conteurs, comme la peinture à l’huile l’est pour le naturaliste” (11). Par leur exigence similaire ces deux pratiques ont permis la cristallisation de l’art de Dix et, ce qui peut apparaître comme un cadrage est en fait un exercice libératoire. Le substrat était créé, Dix s’y emploie progressivement et ses peintures font sonner au mieux la Mischtechnik dans ses portraits. L’autoportrait en blouse avec boule de cristal et palette en est une mise en abyme. On distingue le dessin et la grisaille dans les parties ombrées, la gamme restreinte souligne les opacités du blanc et les transparences de la terre d’ombre. La palette tenue par Dix rassemble les cinq couleurs du tableau : blanc, noir, ocre jaune et rouge, terre d’ombre naturelle. La boule de cristal et son ombre claire disent le paradoxe de la scène où la lumière est opaque et les ombres transparentes.
Dans le portrait de Sylvia von Harden, Dix se mesure avec la peinture ancienne. Tout en transparence comme une aquarelle, il oppose une laque de garance à un rouge vermillonné, accord classique des maîtres rhénans. Les blancs des chairs montent sur la préparation claire marquant la nuance d’un blanc opalescent sur un blanc transparent. Cela fait techniquement écho aux portraits de Hans Baldung Grien peints sur le même principe. Au contraire le portrait de Franz Radziwill, oblige le regard à se promener sur une matière grumeleuse faite de terres opaques, mêlée de sable. Aucune transparence comme si la personnalité de Radziwill était impénétrable. Si ces tableaux sont tous peints selon le principe de la Mischtechnik, ils montrent la capacité d’adaptation de cette technique et surtout, prouve la capacité de Dix à plier la technique à ses nécessités. A l’issue de la Seconde Guerre, lorsqu’il découvre de ses yeux le Retable, il s’autorisera à nouveau une matière libre, une boue colorée et sophistiquée dont il fera un corps torturé. Comme s’il devenait anachronique maintenant qu’il touchait du doigt le Retable de continuer à approcher Mathias...
La leçon de Grünewald
Dans son manuel, Doerner analyse essentiellement Dürer et ne cite que brièvement le Retable d’Issenheim (12). L’analyse scientifique en était à ses débuts et la précision apportée depuis à Grünewald n’était accessible ni à Doerner ni à Dix (13). Il importe ici surtout de comprendre ce que Grünewald fait de sa technique face à ses contemporains. La définition par Melanchton du génie moyen souligne la difficulté des précepteurs de la Renaissance (14) à intégrer dans une pensée globale l’œuvre de Grünewald. Si Dürer ambitionnait la gloire par une pensée cohérente entre ses œuvres et ses écrits, Grünewald lui, agissait au cœur de sa peinture en la pliant aux nécessités expressives. Il inaugure l’attitude moderne de l’artiste qui noue le réel avec un souci d’expressivité. En refusant de traiter de façon égale toutes les parties de sa peinture, il introduit la dissonance et la rupture dans une époque qui trace une ligne d’horizon dans l’espace perspectif.
Le lien entre Grünewald et Dix est précisément cette versatilité, perception expressive du monde.
Chez Grünewald, de façon fine pour nos yeux et de façon plus soutenue chez Dix, chaque partie - visage, main, draperie, paysage - fait l’objet d’un traitement particulier. Il passe ainsi d’une technique faite sur base de grisaille avec reprises de glacis à un fa presto, alla prima. Les récents dégagements du vernis dans le ciel de la Tentation de Saint Antoine révèle un bleu tendre et laiteux en demi pâte en contrepoint à l'âpreté de la scène là où ses contemporains auraient rendu profondeur et espace par des glacis bleus. Des coulures réelles sont peintes dans les branches et mousses et tirent le regard vers la Visite de Saint Antoine à Saint Paul. Le ciel de la Crucifixion laisse la trace de la brosse lisible, tandis que les glacis de la Résurrection et du Concert des anges sont indicibles. L’alternance des opacités et des transparences crée une intranquillité constante. Le dessin n’est plus relégué à la seule mise en place, il remonte à la surface et souligne le contour comme un plomb de vitrail. Ce seul point fait de Grünewald un inventeur étonnant qui affirme le trouble de la peinture entre la représentation et ses moyens. Il manifeste sa virtuosité dans l’hétérogénéité, en pliant les espaces (15), lorsque Dürer ou Cranach avec un métier tendu et égal cherchent un espace cohérent. Il dut être un miroir pour Dix par sa complexité visuelle unique. Si le triptyque Die Großstadt est encore marqué par un maniérisme proche du Retable c’est que le sujet, la vie nocturne, s’y prête et Dix respecte encore le protocole de Doerner. Dans le retable Der Krieg, la démarche est la même, mais le résultat est opposé. Là aussi la technique, son timbre, se doit de résonner fortement avec le propos. Matières opaques et prononcées en sous couche, le peintre maçonne le tableau avec une boue tirée des tranchées. Il use et abuse des vernis et glacis comme des humeurs se répandant sur la terre et donnant un aspect patiné à l’œuvre. La matière finale doit plus à la Piéta du Titien à Venise. Dix ne boit pas seulement à la source de Grünewald, c’est aussi une marque de sa liberté.
Si plus de 500 ans les séparent et si les deux peintres sont unis par une technique exigeante ils sont aussi des improvisateurs qui ne veulent pas enclore leurs images dans un dogme. Si une rupture de matière ou d’espace s’impose, elle est soulignée et trouvera sa place dans ce qui n’est déjà plus une harmonie globale. La tension tant psychologique que visuelle est le socle qui les rassemble et les deux peintres sont d’abord liés par une esthétique : reproduire au plus fidèle les expériences de la vie en glissant dans la faille qui sépare le tableau de la peinture, une palpitation, un bruit qui feront obstacle à une pensée idéale.
Notes
1a, Autoportrait à lʼœillet, 1912, huile sur papier, 73 x 50 cm, Detroit Institute of Arts.
1b, Autoportrait en Mars, 1915, huile sur toile, 81 x 66 cm, Haus der Heimat, Freital.
1c, Autoportraits avec casque d’artillerie, huile sur papier, 68 x 53,5 cm, Galerie der Stadt, Stuttgart.
2, Max Doerner, Malmaterial und seine Verwendung im Bilde, Verlag für Praktische Kunstwissenschaft, München/Berlin/Leipzig, 1921.
3- Max Doerner (1870-1939), peintre et restaurateur. Son nom est aujourd’hui associé à son livre et au Doerner Institut, institut de restauration des collections de peintures des musées bavarois.
4, Doerner 1921, page VII.
5, Ibid, p. 188.
6, Kurt Wehlte (1897-1973) peintre, professeur, restaurateur émérite. Il a publié un ouvrage tout aussi fameux auprès des artistes et étudiants allemands; Werkstoffe und Techniken der Malerei, Urania Verlag, Stuttgart.
7, Doerner 1921, pages 187 à 191 et 253 à 266.
8, Ibid p. 259, « La véritable technique des van Eyck ne pourra certainement jamais être actée par voie notariale...».
9, Le peintre avait étudié à Münich de 1908 à 1910. Aurait-il croisé les études de Max Doerner ?
10, Der Krieg, 50 planches tirées à 70 exemplaires, Editions Galerie Karl Nierendorf, Berlin, 1924.
11, Doerner 1921, p. 188.
12, ibid. p.266, « Le Retable d’Issenheim de Grünewald montre encore clairement la technique du glacis aux vernis dont les rehauts de blanc à tempéra présentent un caractère marqué dans les tons les plus fins, là où l’huile aurait été perdu par saponification. L’utilisation de baumes tels que la térébenthine de Strasbourg est ici très probable. On arriverait certainement par ce moyen, ainsi que par de l’huile de lin épaissie au soleil, à un effet très proche de l’original ».
13, Pantxika Beguerie-De Paepe, Michel Menu (dir.) La technique picturale de Grünewald et de ses contemporains, Musée Unterlinden, Colmar, 2006.
14, Donald B. Kuspit “Melanchton and Dürer : the search for the simple style,” The journal of Medieval and Renaissance Studies, Duke University Press, 1973.
15, Les espaces et perspectives impossibles, dans le Retable d’Issenheim mériteraient ici une étude spécifique pour compléter la comparaison.
Notes en allemand texte original
4 - Max Doerner, Malmaterial und seine Verwendung im Bilde, page VII, « Aus Büchern kann man ebensowenig lernen, wie auf dem Sofa das Schwimmen ».
5- ibid., page 188, « ...sie ergibt neue Möglichkeiten gegenüber der Allerwelts-Manier der Ölfarbe. ».
6- ibid., pages 187 à 191, Temperamalerei in nasse Ölfarbe (Mischtechnik) et pages 253 à 266, Die Technik der Van Eyck und der Altdeutschen (Mischtechnik).
7- ibid., page 259, « Gewissermassen notariell beglaubigen lassen wird sich die allein richtige van Eyck Technik wohl niemals.../... Jeder schreibt eben von seinem Standpunkt aus und es fragt sich immer, wie weit er das Handwerk versteht. Der Beweis, daß es tatsächlich möglich ist auf diesem Wege Wirkungen in der Art der vlasmischen Meister zu erreichen, ist durch viele Probearbeiten teils von mir, teils von Studierenden erbracht.».
« La véritable technique des van Eyck ne pourra certainement jamais être actée par voie notariale.../... De fait, chacun écrit à partir de son point de vue et la question toujours posée est de savoir dans quelle mesure l’on maîtrise la pratique. La preuve, qu’il est effectivement possible par cette voie d’arriver à des effets dans la manière des anciens flamands, est apportée par de nombreux travaux partiellement menés par moi-même et partiellement par des étudiants. ».
11- ouvrage cité en 1, page 188, « Sie ist ein Material für Stilisten und Erzähler, wie die Ölfarbe das gegebene Material des Naturalisten. ».
12- ibid. page 266, « Der Issenheimer Altar des Grünewald zeigt noch deutlich die Technik der Harzlasurmalerei und dabei den körperhaften Charakter der Temperaweißhöhung auch in dünnstem Ausklingen, wo Ölfarbe längst durch Verseifung verloren gegangen wäre. Die Verwendung von Balsalmen wie des Straßburger Terpentines ist hier sehr warscheinlich. Jedenfalls käme man mit diesem Mittel neben dem an der Sonne verdickten Leinöl der Wirkung des Originales sehr nahe. »
Les traductions de l’allemand au français sont de l’auteur.
Exposition : Les fleurs américaines
13 décembre 2012 - 17 février 2013
Le Plateau Frac Ile-de-France
Un tableau.
Un intérieur antique au style indistinct, des colonnes surmontée d’un acrotère. La lumière tombe du haut éclairant de façon dramatique une femme au bras tendu vers une scène
partiellement cachée. De son bras gauche elle retient une jeune fille évanouie tandis qu’une seconde effrayée se réfugie en son sein. A l’extrême droite, cachée dans une toge relevée, une seconde
femme pleure. La scène qui provoque cette douleur est difficile à comprendre. Les porteurs d’une civière sur laquelle
repose un corps sont partiellement occultés par une sculpture antique.
Il viennent d’entrer en scène, dans le tableau. Tout semble se jouer hors cadre.
A ce «moment» la figure d’un homme âgé se dessine dans la pénombre. L’air grave et tendu, ce sont ses pieds en pleine lumière qui nous indique sa tension. Ses orteils sont crispés, sa main gauche
froisse une lettre. Au milieu du tableau, un panier sur la table, du fil, du tissu, une paire de ciseaux témoignent de
l’intrusion du drame dans un moment de vie intime.
Tout est clair, ordonné, dessiné. Une scène de théâtre arrêtée dans un moment de tension extrême. Aucune séduction dans la matière, la peinture est lisse, presque glacée dans son
statisme. Aucune séduction dans la couleur; le triangle rouge, bleu, jaune des femmes donne le ton d’un classicisme
distancié.
Les personnages sont des figures, nul moyen de se projeter dans un miroir.
Le langage contemporain qualifierait ce tableau de conceptuel tant le titre est nécessaire à sa compréhension : Les licteurs rapportent à Brutus les corps de ses
fils.
Brutus Lucius Junius est le fondateur mythique de la République romaine en 500 avant J.-C.
La lettre froissée témoigne de la trahison de ses deux fils Titus et Tiberius. Ils se sont alliés à une tentative réactionnaire visant au retour de Tarquin. Plaçant la République au dessus de son
émotion personnelle, il fait condamner et décapiter les traîtres. La scène retrace le moment crucial où la vie publique et les intérêts supérieurs entrent avec un fracas glacé dans le giron d’une
famille effondrée. Tout incarne effroi et stupeur. Jacques Louis David a peint ce tableau en 1789. Son exposition était
redoutée car la comparaison avec la situation de la France était aisée pour tout spectateur cultivé. La faiblesse de Louis XVI face aux menées réactionnaire du Comte d’Artois contre le Tiers-Etat
marquait la vie publique en recherche d’un Brutus faisant preuve de virtu. Une campagne de presse qui dénonçait la censure permit son exposition au Salon après que David
eut effacé les têtes des traîtres montées sur des piques. Il y a plus de 2000 ans entre l’histoire mythique et sa
reconstitution peinte. En 1793 il peindra Marat mort, icône républicaine témoignant cette fois d’un évènement strictement
contemporain.
Il existe 5 versions quasi identiques de ce tableau.
Seule change la dédicace sur la caisse : «A Marat, David, l’an Deux» pour la version de Bruxelles. «N’ayant pu me corrompre, ils m’ont assassiné» sur d’autres. A sa mort David en possédait trois. Les historiens ne peuvent pas affirmer quel est le premier de la série. L’art se fait avec de l’art, l’intuition ne vaut que corrigée par la connaissance. Mettre ses émotions au contact de la vérité est la seule façon
d’apprendre.